J’ai débarqué dans deux des îles du Saint-Laurent, au Québec. Celle du Pot-à-l’Eau-de-Vie est presque secrète. Passer une nuit dans son phare, un monument historique reconverti en gite de luxe, est un privilège. Qui aide à la préservation de l’écosystème du fleuve, l’un des plus grands de la planète. Plus en amont, j’ai aimé aussi l’île aux Coudres, beaucoup plus fréquentée mais paisible.
C’est une pimpante et grande maison en bois blanc. Les toits sont rouges, tout comme la coupole du petit phare qui la surmonte. L’endroit me plait autant que son nom, les îles du Pot-à-l’Eau-de-Vie. Depuis les larges terrasses, je contemple l’immensité du Saint-Laurent, à l’entrée de son estuaire.
Ici, à quelques encablures de ce gros bourg qu’est Rivière-du-Loup, sur la rive sud, le fleuve est déjà large d’une vingtaine de km. La terre ferme est à peine visible. Rien ni personne pour rompre la sérénité de cette île sauvage. Je ne peux m’empêcher d’envier les heureux occupants qui se succèdent chaque soir –ce ne sera pas mon cas puisqu’il faut réserver presque un an à l’avance– dans les trois coquettes chambres. D’autant que je me suis laissé dire que la table est à l’image du décor. Fastueuse.
Les phoques et les canards eider
Rien à voir avec ce qu’ont pu connaitre en leur temps les gardiens de ce vénérable monument. Mis en service en 1862, le phare leur en a fait voir de toutes les couleurs. Deux hommes y travaillaient tout au long de l’année. Seule période de relâche, l’hiver, où, pris dans les glaces, le St-Laurent n’était plus navigable.
Bien sûr, il leur fallait faire fonctionner la puissante lampe, indispensable pour guider les navires dans ce qui était considéré comme l’une des plus dangereuses voies navigables du monde. D’abord à la graisse de baleine, une tâche salissante et malodorante –les relents persistent encore aujourd’hui dans la tour –, puis à l’huile de colza et enfin au pétrole. Ils devaient aussi pourvoir eux-mêmes à leur eau potable et au bois de chauffage. Abandonnés en 1964, les lieux n’avaient alors jamais connu l’électricité.
25 ans plus tard, en 1989, le phare est restauré par Duvetnor, devenue entre temps propriétaire, explique la Française Juliette Lainé, l’une des guides naturalistes de cette société à but non lucratif. Les écologistes de Duvetnor en font un havre de paix on ne peut plus cosy, point de départ de belles balades, à pied ou en bateau. Celles-ci sont l’occasion d’observer les phoques et les oiseaux aquatiques, notamment le canard eider à duvet, qui nichent ici par milliers.
La découverte des phares vous intéresse ? Allez lire l’article d’Amandine sur la route des phares dans le Québec Maritime. Il e découvert 7 phares lors de son road trip en famille.
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Le canard, son duvet et le phare
Propriétaire de l’archipel du Pot-à-l’Eau-de-Vie ainsi que d’une demi-douzaine d’autres îles dans le Bas-St-Laurent, la société à but non lucratif Duvetnor est intéressante à plus d’un titre. Elle a été créée en 1979 par un groupe de biologistes autour de Jean Bedard. Cet universitaire a eu l’idée de financer l’achat des îles, dans le but de préserver leur milieu naturel, par la collecte de duvet.
Chaque année, vers la fin mai, des bénévoles ramassent dans les nids des canards eider une partie de leur duvet. Une fois nettoyé, celui-ci est vendu fort cher car la demande est forte : entre 700 et 1 000 dollars US le kilo. Duvetnor fournit chaque année une cinquantaine de kilos, environ un huitième de la production mondiale.
Précurseur de l’écotourisme, Duvetnor propose aussi de l’hébergement sur deux de ses îles. De manière plutôt luxueuse au phare du Pot-à-l’Eau-de-Vie, plus variée sur l’île aux Lièvres –la plus grande avec ses 13 km– : des campings, une auberge et des chalets dotés de tout le confort moderne.
Les cinq îles de l’archipel des Pèlerins sont sanctuarisées : elles abritent notamment la plus importante colonie de petits pingouins dans tout l’estuaire du St-Laurent.
Une plongée dans le passé
Dans un genre bien différent, voilà maintenant l’île aux Coudres. Inutile de vouloir y jouer les Robinson Crusoé. Située en face de la petite ville de Baie-Saint-Paul, sur la côte nord, elle est habitée. Et très prisée des touristes. Ils viennent là en voiture, en empruntant le « traversier ». Ensuite, c’est à vélo que ça se passe. Le tour de l’île ne fait qu’un peu plus de 24 km et on ne peut pas dire que la circulation automobile soit frénétique. Alors, j’aime autant apprécier sa quiétude en prenant mon temps. Avec ses vieilles maisons en bois, parfois même en pierre, elle offre un charme rétro bien agréable.
C’est même une plongée dans le passé qui m’attend aux Moulins. L’un est à eau, alimenté par un aqueduc en bois et date de 1825, l’autre à vent, de 1836. Quasiment dans l’état d’origine, ils ont fonctionné jusqu’à la fin des années 1940. Véritable décor de cinéma, cet ensemble unique au monde est aujourd’hui un écomusée qui mérite un arrêt prolongé. Comme les autres visiteurs de passage, j’y ai vu des artisans à l’œuvre, en tenue d’époque. Pas des figurants.
Meunier de son état, Jérôme Desgagné est un passionné. Il moud le grain de blé ou de sarrasin comme autrefois. La production est vendue en boutique, dans l’ancienne maison du meunier joliment recouverte de bardeaux. Il se montre intarissable sur l’histoire et les particularités techniques. Au besoin, Jérôme ne se fait pas prier pour manœuvrer le cabestan qui fait tourner le toit du moulin et offre aux ailes la meilleure prise au vent.
C’est ici que vient se fournir une fort sympathique commerçante, Noëlle-Ange Harvey. Elle tient les rênes de la boulangerie Bouchard, célèbre pour ses délicieux « pâtés croches » en forme de demi-lune. Il y a quelques décennies encore, les femmes de marins avaient coutume d’en préparer à leurs hommes. Ces pâtés à la viande sont devenus une spécialité de l’île.
Au chapitre des bonnes choses, voici une institution plus ancienne encore, les Vergers Pedneault. Depuis près d’un siècle, ils produisent cidres et autres mistelles. L’entreprise, dont les produits raflent les prix à travers le monde –y compris au Concours général de Paris– propose un petit itinéraire pour découvrir ses vergers. Pommiers, poiriers ou cerisiers s’étalent sur une quarantaine d’hectares. Cahotant sur les chemins de terre, j’ai apprécié cette parenthèse. Décidément, l’île aux Coudres aussi, il est bien difficile de s’y arracher.
Informations pratiques
- Offices de tourisme : Québec maritime et Tourisme Charlevoix
- Un guide : Québec, aux éditions Lonely Planet, 23,50 euros. Disponible chez Amazon ou à la Fnac.
- Pour se rendre au Québec, utilisez notre comparateur de vols.
- Le traversier vers l’île aux Coudres (en été un navire toutes les 30 minutes) est gratuit.
Bonnes adresses
- Location de vélos à l’Isle-aux-Coudres, Vélo-Coudres (de mai à octobre, avec navettes gratuites jusqu’au quai) qui se flatte de proposer le plus grand choix de bicyclettes en Amérique.
- Vergers Pedneault
- Boulangerie Bouchard
- Ecomusée des Moulins
Photo de présentation © Patrick Frilet