Qui l’eut cru ? Le dadaïsme, le plus dérangeant et le moins conventionnel des mouvements artistiques, est né en 1916 non pas à Paris mais à Zürich, aujourd’hui la riche capitale financière de la Suisse. Un siècle après, j’y ai découvert avec intérêt les lieux qu’ont connus Hugo Ball, Emmy Hennings ou Sophie Taeuber et Hans Arp. A commencer par leur célèbre Cabaret Voltaire. Et j’ai marché sur leurs traces à travers la ville qui célèbre l’anniversaire avec force événements et expositions.
Evidemment, son buste trône en bonne place. Voltaire domine les lieux, où il semble jeter un œil narquois. Ou est-ce un effet de mon imagination ? Peut-être est-il tout simplement content d’être toujours là, que cet endroit porte encore son nom. Car il s’en est fallu de peu pour que le voile de l’anonymat recouvre le berceau historique du mouvement Dada.
Un beau jour, le 5 février 1916, un infâme bouge de la vielle ville de Zürich, « Die Meierei » à l’angle de la Spiegelgasse et de la Münstergasse, entre dans la postérité. Dans une arrière-salle rebaptisée Cabaret Voltaire –du nom de ce philosophe engagé qui incarne le siècle des Lumières– se déroule en effet une soirée débridée.
Tableau RastaDada, Francis Picabia
Un mouvement qui essaime dans toute l’Europe
Sur une scène improvisée, le poète allemand Hugo Ball se démène dans un cylindre de carton, censé représenter un phallus en érection. Puis il joue du piano pendant que sa compagne Emmy Hennings et une autre artiste, la Suisse Sophie Taueber, chantent devant une folle assemblée. C’est la première soirée Dada. Elle marque la naissance d’un mouvement qui essaime dans toute l’Europe puis dans le monde entier, métamorphose l’art et jusqu’à son essence.
Chaque soir de la semaine ou presque, on s’amuse beaucoup au cabaret en ce début 1916. Las, il est rapidement victime de son succès : trop de tapage et pas assez de rentrées financières. Si le mouvement Dada continue de plus belle, s’en est fini du Cabaret Voltaire au bout de quelques mois seulement. Le café de la Meierei retombe dans sa torpeur pour traverser les décennies sans plus faire parler de lui. A la fin des années 1980, il se mue en dancing. Avant de fermer ses portes définitivement. L’immeuble est alors acheté par une grande compagnie d’assurances décidée à le transformer en appartements de luxe. L’emplacement est parfait au cœur de la vieille ville médiévale, dans le « Dörfli ». Mais à partir de 2002, des artistes squattent les lieux, bien décidés à faire prendre conscience de leur valeur historique. Ils ont gain de cause : le cabaret Voltaire rouvre fièrement ses portes en 2004.
Aujourd’hui, j’aime m’y attarder. Un espace boutique, où je trouve de la littérature –Dada, bien sûr– mais aussi les fameux sacs Freitag, fabriqués dans des bâches de récupération ici à Zürich. Au-dessus, un café tranquille. Et, à l’autre extrémité du comptoir où sont notamment servies plusieurs variétés d’absinthe, les salles de spectacle. L’endroit est sympa. Un haut lieu de la contre-culture, mais dont le loyer est payé par la ville, une oasis baba-cool qui détonne dans le bcbg des rues alentour.
En passant, j’ai vu dans la vitrine d’une galerie –il y en a tant et plus ici– une litho, certes numérotée et signée, de l’icône du pop art américain Keith Haring proposée à 12 000 euros ! Aujourd’hui, Zurich nage dans l’opulence. Ce n’est pas le cas en 1916, ni pour ses habitants et encore moins pour tous ces réfugiés fuyant les horreurs de la guerre.
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Beaucoup d’artistes, d’intellectuels –le creuset du mouvement Dada– sont ainsi rassemblés là. Tout ce petit monde se retrouve dans les cafés. Avec à la main le plan de la ville « spécial Dada », je suis leurs traces. D’abord à la Terrasse. A en croire le sculpteur et peintre Hans Arp, c’est ici que l’écrivain Tristan Tzara évoque pour la première fois « Dada » –le mot n’a aucune signification particulière– lors d’une lecture de poèmes. Puis sur le trottoir d’en face, à l’Odéon. Entre temps, cette brasserie a rétréci mais n’a guère changé pour autant. De hautes plaques de marbre aux murs, de magnifiques globes revêtus de cristal au plafond. Même jusque très tard dans la nuit, l’endroit est toujours aussi couru.
Des expositions et des spectacles2016, l’année du centenaire dadaïste à Zürich, est jalonnée par de nombreux évènements à travers la ville. Et de très belles expositions rendent hommage à ce très particulier mouvement artistique d’avant-garde. Bien au-delà des convulsions du début du siècle dernier, le dadaïsme traverse le temps et se prolonge jusqu’à nos jours. Ainsi le surréalisme, l’Internationale situationniste des années 1960, Mai 68 ou Sid Vicious et les punks ont en quelque sorte été enfantés par Dada. C’est le postulat d’une superbe exposition au Landesmuseum, tout à côté de la gare de Zürich, « Dada Universal ». Dans une semi-obscurité sont mises en scène les multiples facettes du courant artistique et de ses avatars. « Dada, explique Juri Steiner, l’un des deux commissaires de l’expo, est une explosion qui s’est produite en 1916 et dont la détonation continue de retentir aujourd’hui. Nous avons fait un collage des différents aspects. Le visiteur est comme une boule dans un jeu de flipper, qui rebondit de l’un à l’autre. » Le parti pris de « Dadaglobe reconstructed », l’expo montée dans le très riche Kunsthaus, le musée d’art moderne, est beaucoup plus littéraire. Il s’attache à Dadaglobe, un florilège de l’art Dada que prépare Tristan Tzara. Désormais à Paris, il demande en effet à 50 artistes, écrivains et poètes d’illustrer chacun à sa manière Dada. L’ouvrage doit paraître en 1921, aux éditions de la Sirène qui a notamment publié « L’anthologie nègre » de Blaise Cendras. Mais, le mystère reste d’ailleurs entier, le livre n’est jamais mis sous presse. Dessins, photos, lettres… Provenant du monde entier, une centaine d’œuvres et autant de manuscrits sont ainsi présentés –souvent pour la première fois– dans cette expo. Après sa trop courte vie zurichoise, « Dadaglobe reconstructed » sera montrée à partir de juin 2016 au Museum of Modern Art de New York
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« Dada est tatou, tout est dada »
De mémorables soirées-spectacles Dada ponctuent la vie zurichoise. La première, celle du fameux manifeste déclamé par Hugo Ball, se déroule le 14 juillet 1916 à la « Zunfthaus zur Waag ». Quelque 400 personnes sont rassemblées dans cette maison de la corporation des chapeliers et tisseurs de lin. Le magnifique édifice du XIVe, sur l’autre rive de la Limmat, la rivière qui traverse Zurich, est toujours un restaurant. Et pas n’importe lequel : il est maintenant particulièrement cossu. J’apprécie la cuisine du chef alsacien, Alain Koenig, notamment son fameux émincé zurichois, tout en admirant les superbes boiseries. Et je m’imagine, dans cette même salle du 3ème étage, les dadaïstes lisant leurs poèmes, chantant, dansant.
La dernière des huit soirées historiques, en avril 1919, attire un bon millier de personnes au Kaufleuten. Un brin austère, le restaurant occupe aujourd’hui une place stratégique dans le quartier des banques. Entouré de prospères hommes d’affaires, j’y hume le parfum de la haute finance tout en déjeunant. Comme dans les autres hauts lieux du mouvement artistique, je ne peux m’empêcher de songer au fossé séparant les dadaïstes de la bonne société zurichoise.
Peut-être n’est-ce qu’une apparence. Car Zurich a toujours été et reste Dada. Encore plus en cette période de célébrations. Tristan Tzara ne proclame-t-il pas: « Dada est tatou, tout est dada » ?
Le-rossignol-chinois, Ernst-Max
Informations pratiques
Le site du centenaire de Dada à Zurich recense toutes les manifestations autour de Dada et permet de tout savoir, ou presque, sur Dada. Une mine d’explications et de renseignements.
L’office de tourisme de Zurich, qui dispose d’un vaste bureau d’information dans le hall de la gare principale de Zurich, édite à cette occasion toutes sortes de documents, organise des visites de la vielle ville sur les traces de Dada. On y trouve bien sûr le plan de la ville spécial Dada, fort intéressant et utile, publié par le Cabaret Voltaire.
Bonnes adresses
- L’hôtel Ambassador (4*) est situé à côté de l’opéra, en plein cœur de Zurich. Affilié à la chaîne Small Luxury Hotels, il propose à l’occasion du centenaire une expo sur les principales têtes d’affiche du mouvement dadaïste.
- Cabaret Voltaire, Spiegelgasse 1. Pour boire un verre. Et bien sûr assister à l’un des 165 spectacles qui ponctuent le centenaire, jusqu’au 18 juillet 2016.
- Restaurant Zunfhaus zur Waag un endroit historique, sur une place qui l’est tout autant et l’un des meilleurs restaurants de la ville.
- Restaurtant Kaufleuten pour humer le parfum de la grande finance dans le quartier des affaires tout en mangeant pour pas trop cher.