A notre grand regret, nous n’avons pas vu de crocodiles préférant ne pas les contempler dans des fermes pour touristes. On souhaitait en voir un vrai, avec tout le charme et l’angoisse de la rencontre fortuite. Nous quittons le parc national pour prendre la célèbre Stuart Highway. Cette route de 3000 kilomètres est fréquentée, sinon par les itinérants en visite, par les road trains, des camions atteignant jusqu’à 55 mètres de long et qui sont de véritables tueurs de dingos et kangourous.
Véritable garde manger des rapaces, on croise sur cette route des vaches, des chevaux, des dingos (chiens sauvages), et kangourous morts tous les cinq kilomètres environ. C’en est à se demander si ces prédateurs savent encore chasser. Au-delà des paysages somptueux, déserts, d’une grande diversité et changeant de couleur selon la position du soleil, ce sont ces derniers qui rendent fascinant le parcours de la Stuart Highway. Des faucons qui se tiennent majestueusement aux côtés du cadavre de la bête, des aigles tournoyant autour de la victime de la route avant de piquer du nez pour commencer leurs repas et des dizaines de vautours noirs qui s’agglutinent sur le corps pour le dépecer, le déchiqueter jusqu’à l’os.
Nous laissons momentanément cette immensité naturelle presque à l’état brut pour pénétrer dans la ville de Katherine. 8000 habitants seulement et, malgré tout, le bourg le plus peuplé de notre périple de 1500 bornes. Etrange ville où les aborigènes errent dans les rues, longent les murs, se rassemblent dans les parcs et peuplent les parkings de supermarchés, souvent ivres. Tels des fantômes, ils provoquent la peur, la surprise, le malaise des australiens blancs qui les croisent, s’écartant à leur passage. Ces mêmes « blancs » qui, étrangement, peut-être par mimétisme, marchent dans les rues pieds nus.