Le Vietnam regroupe 54 ethnies différentes réparties en 5 familles ethnolinguistiques : les Austronésiens, les Hmongs-yao, les Thaï-Kadaï, les Austroasiatiques et les Sino-Tibétains.
Si les Viet, qui constituent la principale ethnie, résident principalement dans les villes et sur la côte, les 10% restants, comprenant ce qu’on a l’habitude d’appeler les minorités ethniques, vivent dans les régions d’altitude.
C’est dans la région du nord-ouest, au cœur des alpes tonkinoises, qui s’étire le long de la frontière de la Chine et du Laos qu’habitent la plupart des minorités.
Lors de nos pérégrinations avec Huwans, nous partons à la rencontre de quelques unes de ces ethnies minoritaires, en particulier les Hmong, les Thaï et les Yao…
Sapa
Reine des montagnes et porte d’entrée pour découvrir les ethnies du nord ouest du Vietnam, Sapa est nichée dans une jolie vallée encadrée de montagnes acérées et denses de végétation. Les rizières à étage, en cours de moissonnage, descendent des versants pentus composant un étonnant patchwork de couleurs. Difficile d’y admirer clairement le paysage dans cette bruine matinale. On devine plus qu’on ne voit !
Ancienne station climatique construite en 1922, Sapa est tombée dans les oubliettes à la fin de la guerre d’Indochine. Ce n’est qu’au début des années 1990, avec le développement du tourisme, que la cité renaît véritablement.
De nombreuses ethnies montagnardes sont installées dans les vallées environnantes. Il est possible de les rencontrer à Sapa, particulièrement sur le marché, car ils y viennent pour acheter et vendre leurs marchandises. Les deux ethnies les plus représentées sont les peuples Hmong et Yao. Les Hmong noirs sont de loin les plus nombreux mais nous avons aussi pu croiser des Hmong fleuris.
Les Hmong peuplent les parties les plus élevées des montagnes du nord du pays. Les femmes sont, renommées pour leur grande habileté dans l’utilisation du chanvre, de l’indigo et du batik.
Les Yao sont facilement reconnaissables par leur chapeau rouge.
Longtemps dans la misère, les tribus ont su profiter du développement de la région pour élever leur niveau de vie. Aujourd’hui, ils maintiennent une partie de leurs traditions tout en modifiant ici et là leur vie : acquisition de l’électricité, de la télévision par satellite ou du téléphone portable.
Le marché de Sapa se tient tous les jours même si le samedi est le jour le plus animé pour son « marché de l’amour ». Les jeunes des minorités y descendent pour se rencontrer.
Au marché, on y rencontre aussi de nombreux Viet, l’ethnie majoritaire du pays. Ils y vendent des légumes, de la viande (poulet, porc, buffle, chien…), des vêtements, ou encore de la nourriture préparée sur place à base de nouilles, de riz ou de pate à beignet.
Tham Púa, village Thaï
Depuis un pont, nous empruntons à pied une piste qui longe la rivière Nâm Ná. Quelques buffles paissent tranquillement de l’herbe déjà bien rase.
Sur le bord du chemin, un homme travaille du bambou. Il a construit de grands paniers ainsi qu’un barrage pour pêcher le poisson.
Nous entrons dans le village de Tham Púa. Il est habité par l’ethnie Thaï.
Originaire de la Chine, les Thaïs sont venus du sud de la Chine à partir du IXème siècle pour s’installer dans le nord ouest du Vietnam. On distingue deux minorités : les Thaïs noirs et les Thaïs blancs.
Les Thaïs noirs sont vêtus de chemises et de coiffes de couleurs vives alors que les Thaïs blancs portent des vêtements plus occidentaux.
Tham Púa est un village habité par des Thaïs blancs. Une grande majorité des habitations est sur pilotis à toit à quatre pans, la maison traditionnelle des Thaïs. Le plancher est rectangulaire et une grande véranda occupe le devant. La charpente est composée de colonnes et d’une ou trois poutres transversales. On y trouve aussi une ou deux antichambres.
Une femme nous accoste naturellement. Souriante, elle est vêtue d’un chemisier rose et d’une coiffe verte ; elle porte un panier qu’elle va remplir de bouse de buffle pour allumer le feu qui servira à préparer le repas.
Nous entrons dans la cours de la maison d’à coté pour y découvrir de l’abrasin séchant sur le sol. C’est un arbre tropical dont on utilise l’huile siccative incolore dans les mastics à bois ou vernis gras.
Quelques bâtiments plus loin, nous assistons quelques instants à un cours dans une classe de maternelle. Les élèves reprennent en cœur une chanson. Ils sont excités comme des puces mais l’institutrice maintient l’ordre avec une autorité tout en douceur. Un bel exemple dans un pays dont l’Etat gère ses affaires avec une poigne de fer.
Avant de rejoindre la route et de traverser un pont, nous croisons les préparatifs d’un mariage. La tradition chez les Thaïs blancs veut que l’homme vive chez ses beaux-parents pendant quelques années. Cette coutume se perd chez les familles qui habitent près des villes.
Quelques jours plus tard, sur la route nous conduisant à Dien Bien Phu, nous croiserons également de nombreux villages Thaïs.
Les villages Hmong
Láng Mô, village Hmong
Láng Mô est un village Hmong situé sur la route entre Lai Chau et Sinho. Nous nous y arrêtons le temps d’en faire le tour à pied.
Les Hmong résident plutôt en altitude contrairement aux Yao et aux Pathen qui forment le même groupe ethnolinguistique. Ils se sont installés entre le XVIIIème et le début du Xxème siècle dans les régions frontalières du Laos et de la Chine. Le milieu est favorable à l’exploitation de bois précieux et à l’élevage. Les terres permettent de cultiver du maïs, du riz, des légumes, du chanvre et du coton. Autrefois, le pavot était une source de revenu important mais l’Etat vietnamien veille à ne pas en développer la culture.
Au Vietnam, on distingue cinq groupes de Hmong : les blancs, les verts, les rouges, les fleuris et les noirs. Chaque famille a ses propres coutumes et les costumes traditionnels féminins diffèrent notamment par leurs couleurs. Les plus faciles à reconnaître sont les Hmong noirs avec leur vêtement de couleur indigo.
Nous entrons dans le village de Láng Mô habité par des Hmong rouges. Il est quasiment désert à l’exception des plus jeunes enfants, de quelques vieilles femmes et d’une poignée d’hommes. Tous les autres adultes sont au champ et les enfants jusqu’à quinze ans sont à l’école.
Certains jeunes enfants sont très impressionnés par notre présence. Le regard est fuyant quand les enfants ne pleurent pas.
Un homme nous ouvre les portes de sa maison. Il fume la Dieu Cay assis sur un banc et répond à nos questions quand nous l’interrogeons. L’électricité est arrivée dans le village en 2004 et a dû améliorer grandement le confort des familles du village.
A la sortie de la maison, les enfants nous attendent. La curiosité l’emporte sur la crainte des étrangers.
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Tảngảo, village Hmong rouge
Quelques jours plus tard, nous découvrirons le village Tảngảo habité par des Hmong fleuris. La population est tout sourire quand elle nous voit approcher. Les enfants sont dehors, une minorité en vêtements traditionnels. Certains sont pieds nus ou pour les plus jeunes les fesses et le zizi à l’air. Une vieille dame écosse des haricots verts. Plus loin, un homme nous présente sa famille, sa femme et ses cinq enfants.
Il n’est pas facile de distinguer des Hmong rouges des autres ethnies ; les échanges avec l’extérieur s’étant accrus, les villageois empruntent des styles de vêtements à d’autres ethnies quand ils n’ont pas remplacé les costumes par du made in China.
Daphin, village Yao
Après avoir rejoint Sinho où nous nous sommes installés dans le seul hôtel de la ville appartenant au comité populaire très proche du pouvoir, nous partons découvrir Daphin, un village situé à quelques kilomètres.
Il est habité par l’ethnie Yao. Ils appartiennent à la même famille que les Hmong et pratiquent le culte ancestral des esprits connu sous le nom de « Ban Hoe ». Installés au Vietnam dès le XIIIème siècle, les Yao se divisent en plusieurs sous-groupes dont les Yao Lantien qui habitent Daphin.
Une heure de marche depuis Sinho permet de rejoindre Daphin. Nous commençons par rendre visite à l’école communale. Les enfants n’en attendent pas moins pour foutre le bazar. L’heure de la récréation a sonné. Sage décision des instituteurs… Nous restons un moment à échanger des regards, des sourires et même de francs éclats de rire. Nous repartons des visages plein la tête et le coeur riche de nouvelles rencontres. Une institutrice me demande de leur envoyer quelques photos par la poste. Ce que je ferais avec grand plaisir…
Dans le village, rare sont les adultes inactifs. Les uns sont dans les champs à séparer les grains de riz de leur enveloppe, des femmes sont devant chez elles à broder des vêtements traditionnels destinés à la famille ou aux rares touristes de passage.
Certains membres du groupe n’hésitent pas à se mêler au travail dans les champs : les barrières tombent et l’échange s’installe naturellement. Pas besoin de parler la même langue quand on se comprend par un regard, un geste ou une attitude.
Depuis quelques minutes déjà nous sommes suivis par des enfants sortant de l’école. A chacun de nos regards, ils sourient. Si nous sortons l’appareil photo, ils rient tout en se cachant derrière leurs mains. Une certaine timidité… oui sans hésiter. Un jeu… oui sans le moindre doute.
Sinho
Trinque, trinquons, trinquez
En fin d’après-midi, nous rejoignons notre hôtel à Sinho. Le repas se déroule bien. Nous apprécions les mets qui nous sont proposés. Sept vietnamiens s’installent à la table à côté de la notre. Tous portent la chemise et le pantalon de costume. Seule la cravate a été laissé dans la chambre. Ce sont des officiels de la région.
Nous remarquons qu’ils ont chacun une bouteille d’alcool de maïs alors que nous n’en avons qu’une pour sept. Quelle injustice d’autant que notre bouteille est presque vide. Je me rends donc à leur table le verre plein et les invite à trinquer avec ce qu’il nous reste d’alcool. Aucun vietnamien ne semble pouvoir refuser une telle invitation. Chacun remplit son verre et trinque avec moi. On se serre mutuellement la main une fois le verre vidé comme le veut la tradition. Chacun leur tour, ils viendront trinquer avec l’ensemble du groupe. A qui ? A quoi ? Peut importe ! On est ici ensemble à partager un pur moment de plaisir… L’alcool aidant, tout le monde rie de tous côtés…
Certains reviennent plusieurs fois. L’un d’entre-eux, un Yao, montre que nous faisons la même taille. J’enlève mes tongues et lui ses chaussures de cuir. Nous nous mettons dos à dos. Eclats de rire général. Même taille. Il semble fier de ne pas être plus petit que moi. Ça mérite une nouvelle tournée. Trinquons à nos centimètres…
Le dernier à venir trinquer est le vice-président du district de Sinho Après un discours officiel auquel il ne peut déroger malgré sont taux d’alcoolémie avancé, nous trinquons à nouveau. A la France, au Vietnam, aux rares touristes venant dans la région !
En quittant le restaurant de l’hôtel, nous entendons de la musique et entrons. Dans la salle, une télé, des haut-parleurs, deux hommes assis sur un canapé reprenant en cœur les paroles défilant sur l’écran face à eux. Bienvenue dans le karaoké de l’hôtel. Les chakras ont été libérés. Chacun est prêt à chantonner… plus ou moins fort… plus ou moins juste…
Balade dans Sinho
Balade matinale dans le marché de Sinho. Hmong rouges, Yao Lantien, Viet et Lu vendent et achètent leurs marchandises. Le tourisme étant quasi inexistant, les minorités ne confectionnent pas de vêtements ou objets traditionnels destinés à être vendus aux voyageurs de passage. Ils se sont donc reconvertis dans un commerce plus local et vendent des produits principalement chinois. A côté de ces étalages, on retrouve le coin des fruits et légumes, les bouchers (dont du chien et des pattes d’ours) et les bazars.
Les champs de riz entourent Sinho. Les familles sont au travail. D’un côté, on bat le riz ; d’un autre on l’écope. Contrairement à ce que dit le Lonely Planet, les gens sont d’une sympathie égale aux autres personnes rencontrées dans les montagnes du nord-ouest. Avec générosité, ils nous invitent à venir voir comment ils travaillent. La rencontre est une question d’instants et de disponibilités…
Quel avenir pour les minorités ?
Une région en pleine mutation
Depuis que nous sommes entrés dans la province de Lai Chau, nous avons pu remarquer que les noms des villes ont changé. L’ancienne Tam Duong s’appelle désormais Lai Chau alors que Lai Chau est devenu Muong Lay. La confusion est complète chez les touristes surtout que les cartes n’ont pas toutes réalisées les modifications.
Lai Chau est en plein chantier : routes, maisons, administrations… sont en construction partout où le regard se pose. En réalité, c’est toute la province de Lai Chau qui est en plein chamboulement. Pourquoi ?
L’ancienne Lai Chau, actuellement Muong Lay, a subit dans les années 90, des inondations qui ont inquiété le gouvernement vietnamien. En 1990, 140 personnes ont trouvé la mort dans une crue violente du fleuve Da (fleuve noir) alors qu’en 1996 ce sont 100 personnes de plus qui ont été victimes d’une nouvelle crue dévastatrice. On peut voir dans le centre du bourg les ruines de l’ancien centre culturel.
Pour faire face à la situation, le gouvernement a pris la décision de construire un barrage juste au dessus du réservoir de Song Da. La région de Muong Lay et de Son La sera donc définitivement submergée par les eaux à la fin des travaux de la plus grande centrale hydroélectrique d’Asie du Sud-est. Vers 2010 selon les prévisions… L’objectif visé est de devenir autonome sur le plan de l’électricité.
25 000 personnes environ de la vallée de Muong Lay et de Son La doivent quitter leur village avant la fin des travaux pour rejoindre des zones plus au nord. Des villages entiers sont déplacés et reconstruits ailleurs à l’image de Chăn Nủa, un village Thaï par lequel nous sommes passés. Les populations sont déplacées sans être sûre de retrouver autant de terre fertile qu’auparavant. Même si l’Etat octroie des aides aux populations, ce départ reste un déchirement pour bon nombre de personnes. Mais impossible de s’opposer face à un pouvoir central fort. Résignées, les populations quittent leur vallée…
Des minorités qui perdent leurs traditions
Le modernisme modifie la vie économique, culturelle et sociale des ethnies. Si le système éducatif et médical s’est nettement amélioré, il n’en reste pas moins que les traditions des minorités du Vietnam se transforment rapidement et en profondeur.
Les routes ont développé les échanges entre les communautés. Les unes influencent les autres. Il suffit d’observer les costumes traditionnels des différentes ethnies pour s’en rendre compte. Si les vêtements traditionnels ne sont pas abandonnés, une ethnie emprunte vêtements et bijoux à une autre.
Les nouvelles technologies ont intégré les foyers : téléphone portable et télévision par satellite ne sont pas rares chez les minorités. Ceci est possible avec l’augmentation du niveau de vie général des minorités.
Ces évolutions sont-elles signes de progrès ? Plus qu’un sujet de philosophie pour le bac, il s’agit d’une question essentielle pour l’ensemble des communautés du Vietnam et même au delà de ses frontières. L’uniformisation des cultures est-elle la seule alternative face à la mondialisation galopante ? Sûrement que non. Quelle place le tourisme peut-il prendre pour préserver les particularités des minorités et perpétuer un monde où chacun est à la fois semblable (Homme) et différent ? Des Hommes pareils dans un monde polychrome (Francis Cabrel, des Hommes pareils, Des roses et des orties, 2008).
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