Dans le Vieux Port même, les clichés font des vagues, mais sans éclaboussures. Pendant que Christian Buffa, enfant du pays, perpétue l’excellence de la bouillabaisse à la terrasse du Miramar, Lionel Levy, venu de Toulouse, la réinvente en milk-shake à sa Table au Sud. Ce qui sépare ces deux chefs ? Dix numéros sur le quai du Port, tout au plus. Sinon, chacun exhale à sa sauce les saveurs de cette Méditerranée identitaire, avec un talent aussi gourmet qu’inventif. « Il y a autant de recettes de bouillabaisse que de familles à Marseille », confie Christian Buffa, qui dévoile la sienne une fois par mois lors d’un cours de cuisine. L’initiation commence sur la criée, à quelques encablures : les restaurants et les bars ont beau avoir fleuri au cul des 3 500 bateaux de plaisance, les pêcheurs continuent de déployer leurs étals de poisson chaque matin sur le Vieux Port. C’est donc au milieu d’une forêt de mâts, dans le flot animé qui s’écoule de la Canebière, que l’on apprend à choisir lotte, saint-pierre, gallinette… Puis direction les cuisines pour s’essayer à la spécialité historique, dans le respect de la charte : préparés et servis en deux temps, les poissons doivent restés aussi fermes que le bouillon est parfumé. Le secret de l’élève de Bocuse ? « Fenouil frais, fenouil en graines et pastis : une note de fraicheur qui tourne autour de l’anis. » Une madeleine de Proust au pays de la pétanque, qu’il vénère autant qu’il sait s’en émanciper, témoignent ses fameux paninis à la truffe …
Plus belle la ville
« La modernité dans le respect du passé » ? Un refrain qu’entonne le projet Euroméditerranée. Considérée comme la plus ample en Europe du Sud, cette opération de revitalisation urbaine lancée en 1996 tient ses promesses. Après les docks de la Joliette, immergeant pour leur plus grand bonheur cols blancs et visiteurs dans le jus de ces entrepôts portuaires, c’est toute la façade maritime qui change d’horizon. « La porte du Sud », qui avait tant fasciné Albert Londres dans les années 20, a retrouvé sa place dans la ville, pointe la tour dessinée par l’architecte Zahia Zahid. Quant au fort Saint-Jean, sentinelle sur l’anse étroite et profonde qui rythme l’évolution de l’ancien comptoir commercial depuis 2 600 ans, il est aux mains d’un autre lauréat du prix Pritzker, Jean Nouvel, qui le métamorphose en musée des civilisations Europe Méditerranée. A côté, un hangar désaffecté s’aplanit pour rendre la mer aux Marseillais. Plus loin, un ancien silo se destine à égrener des notes musicales. Fonts baptismaux de la cité phocéenne, le Panier subit lui aussi un lifting, sans perdre son âme ; au-dessus des ruelles réhabilitées, le linge sèche toujours aux fenêtres pendant que les minots continuent de dribbler à la manière des joueurs de l’Om face à une Vieille Charité rutilante. L’avenue de la République a retrouvé la sienne, à la faveur du tram ; tridents, rostres et cornes d’abondance s’exhibent en façade, dans le sillage du décorum maritime qui dégringole majestueusement d’une gare Saint-Charles relookée.
Une escale dans le vent
« Cette ville a des pouvoirs d’attirance très puissants », témoigne en connaissance de cause l’éditrice Jeanne Lafitte ; snobant Saint-Germain-des-Prés, elle est revenue à son port d’attache, ancrant sa magnifique librairie-restaurant dans les anciens Arcenaulx. Terre de brassage un jour, terre de brassage toujours, avant pour les Algériens, aujourd’hui pour des Parisiens ! Venant d’ici ou d’ailleurs, on est accueilli par Notre-Dame-de-la-Garde, qui domine la ville et embrasse le large. Vouée à tous les saints, la Bonne Mère mérite certainement une action de grâce pour les beautés naturelles de Marseille. De sa colline perchée à 157 mètres, on dévale avec bonheur jusqu’à la Corniche, belvédère de cinq kilomètres sur la Grande Bleue. A la fin du XIXe, la haute société y avait ses quartiers, pendant que les pêcheurs se lovaient dans ses criques au ras des flots, comme le vallon des Auffes niché sous le viaduc ; aujourd’hui, tout le monde se dispute cabanons et pointus, descendant de conserve des ruelles bien nommées : « Va-à -la-calanque », poétise ainsi une impasse à Malmousque. D’anses en plages, la ville finit par se diluer dans une minéralité sauvage, frangée de câbles et desservie en bus dans ses premiers ourlets étincelants. Callelongue, Sormiou, Morgiou, Sugiton… Sur une vingtaine de kilomètres, les calanques régalent de paradis naturels. Classés parmi les sites les plus arides de France, certains de ces refuges d’espèces rares sont interdits à la fréquentation de l’été. Un pare-feu qui ouvre à d’autre plaisirs : on s’y plonge alors côté mer, depuis les navettes qui sillonnent ce milieu géologique et écologique exceptionnel.
Informations pratiques
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Office du tourisme et des congrès : 4, La Canebière, 13001 Marseille ; tél. 04 91 13 89 00 www.marseille-tourisme.com
Où dormir ?
- Hôtel le Corbusier : Une adresse pour les amateurs du célèbre architecte ; 21 chambres (cabines à 59 € ou doubles de 32 m2 à 104 €) au cœur de la Cité Radieuse, panorama azur à la clef.
- New Hôtel of Marseille : A deux pas du Vieux-Port, un design chic pour le dernier-né de cette chaine 100% marseillaise. En terrasse : une piscine, le bar-restaurant du Victor Café et quelques pieds de vigne ! Chambres, single à suites, de 195 à 330 €, offres spéciales autour de 165 €.
- La Bastide du Roucas : Une chambre d’hôte sur les hauteurs pittoresques de la Corniche, à l’ombre du jardin ou le soleil de la proche plage du Prophète. Double à 75 €, avec petit-déjeuner.
- La Petite Maison : Une autre option chez l’habitant, pour des urbanités intimes et colorées au cÅ“ur du quartier résidentiel Prado – Perrier. Double à 100 €, avec petit-déjeuner.
A rapporter, le goût du voyage !
La maison du Pastis : Dans la boutique de Frédéric Bernard, passionné, on boit ses mots autant qu’on se délecte de sa sélection d’absinthe et de pastis, dont cinq maison: à dominante d’armoise, alliant six plantes, etc., à goûter sans modération sur le Vieux Port.
Les Navettes des Accoules : Si le Four des Navettes, au pied de l’abbaye Saint-Victor, remporte la palme de la plus ancienne boulangerie, les biscuits de José Orsoni, au Panier, ont un croquant incomparable. Honorées à la Chandeleur, ces évocations de la barque miraculée, autrement dit nave, se conservent longtemps : il suffit de les réchauffer pour ressusciter leur parfum de fleur d’oranger.
Photo de présentation © Claude Coquilleau – Fotolia.com