Jeudi 12/07 : Cuzco, la Belle
Nous nous levons de bonne heure pour retourner à l’aéroport de Lima et prendre un avion à destination de Cuzco, où nous arrivons vers sept heures et demi. L’aéroport est tout petit, un groupe de péruviens accueille les voyageurs en entonnant des chants aux accents andins. Il fait froid dehors, nous sommes à près de trois mille quatre cent mètres d’altitude. Mais le soleil brille et le ciel est d’un bleu azur. L’ambiance est calme, presque villageoise, on se sent tout de suite bien à Cuzco, la capitale historique du Pérou, comme il est écrit sur une bannière à l’intérieur de l’aéroport. Le voyage semble enfin commencer.
La ville de Cuzco qui compte environ trois cent mille habitants, est en elle-même un enchantement. Comme partout au Pérou, elle s’organise autour d’une place centrale, la Plaza de Armas. Celle de Cuzco est très belle, propre, bordée de jardins et de petits bancs joliment peins. En son centre, une belle fontaine. Tout autour s’étalent des bâtiments dans le style colonial espagnol avec des balcons en bois sombre. Une pure merveille que cette grande place. Toutes les rues autour de la place, mais également dans l’ensemble du centre-ville, sont pavées, ce qui confère à Cuzco un cachet d’authentisme supplémentaire.
D’après la légende, la ville de "Qosq’o", qui signifie "nombril du monde" en quechua, aurait été fondée au XIIème siècle par le premier Inca, Manco Capac, et elle aurait ensuite occupé la prestigieuse fonction de capitale de l’Empire inca, jusqu’à la chute de celui-ci au XVIème siècle avec l’arrivée des Espagnols. Encore aujourd’hui la ville conserve les traces de ce riche passé, certaines maisons de type espagnol sont bâties sur des fondations incas, hauts murs de pierre solides dont les énormes blocs emboîtés à la perfection et sans mortier, ont résisté au temps et aux tremblements de terre. Mais les restes de l’Empire du soleil, les traces les plus vivantes, les plus concrètes et les plus belles qu’il nous a léguées, ne se trouvent pas dans la pierre, mais dans le peuple lui-même. Les indiens quechuas, descendants directs des Incas nous montrent à travers leurs traits et leur mode de vie que le peuple inca n’a pas disparu du jour au lendemain et qu’encore aujourd’hui il reste présent.
De nombreux enfants s’approchent des touristes pour leur vendre des cartes postales qu’ils gardent soigneusement rangées dans des petites boîtes en carton. Comme cela est tout nouveau pour moi, je me laisse prendre au jeu et j’en achète quelques unes. Mais il faut négocier avec ces chenapans. Ils proposent d’abord au touriste six cartes pour douze soles, soit environ quatre francs l’unité. Même si les cartes sont belles je ne suis pas prêt à payer ce prix. Après un petit marchandage, j’en achète cinq pour six soles, tout de même plus honnête. Il faut vite mettre un frein au porte-monnaie face à tant de sollicitations, et je me contente alors de discuter un peu avec les gamins ou de leur offrir quelques crayons de couleur que j’ai emmenés spécialement pour eux.
En se promenant dans Cuzco, en flânant entre ses murs pleins d’histoire, l’enchantement continue. Un peu partout dans la ville, des paysannes quechuas se promènent, certaines avec un lama au bout d’une corde. Les petites écolières dans leur bel uniforme déambulent sous les arcades de la Plaza de Armas et dans les petites ruelles pavées. Chaque école possède son propre uniforme et les garçons ne portent pas les mêmes costumes que les filles. Le soleil réchauffe la vallée, la température devient douce et agréable.
On comprend très vite que le Pérou n’est pas un pays riche, ou pour être plus exact que beaucoup de ses habitants vivent dans la pauvreté. Il suffit de voir les gamins vendre des cartes postales ou vous proposer de vous cirer les chaussures pour s’en apercevoir. Mais pourtant, je ne dirais pas que Cuzco soit une ville pauvre car le tourisme lui assure des revenus suffisants pour rester en bonne forme, accueillante, belle et propre. Même s’il existe des quartiers populaires dans les hauteurs de la ville, on ne trouve pas à Cuzco de bidon-villes insalubres et glauques comme c’est le cas à Lima, la capitale. Le centre-ville de Cuzco est sûr, on peut s’y promener seul en toute tranquillité, et jamais durant les quatre jours que nous y avons passés je n’ai ressenti de l’insécurité, même la nuit. Je ne pourrais pas en dire autant de Strasbourg.
En toute simplicité, cette ville me plaît. Elle est pleine de vie, de fête et de musique, mais elle est à la fois calme et dépouillée de tout artifice superflu, une ville comme je les aime. On est loin du bruit et de l’activité trépidante de la grosse ville, Cuzco, c’est la petite ville moyenne de province, épargnée par le trafic automobile, les nuisances sonores, la pollution et la violence.
Le soir, la ville déborde d’animation, de lumière et de musique. La place centrale est envahie par les passants, des couples, des jeunes, des vieux. Tout le monde peut vivre sa nuit à Cuzco, que ce soit dans un restaurant "branché", une petite peña typique, une boîte de nuit, un bar sympa. Chacun trouvera ce qu’il veut, ce qu’il recherche. Et des belles filles bien-sûr, aux longues jambes, aux cheveux longs et aux grands yeux noirs. Mais comble de malheur, elles sont le plus souvent déjà accompagnées. Mais cela n’empêche pas certaines de lancer des regards charmeurs au grand blond que je suis. Si j’étais seul et sans le groupe, je crois que j’aurais exploré plus en avant cette charmante facette de Cuzco. Mais il faut se coucher tôt, demain nous avons une longue journée.
Avant de dormir, il faut manger. Je vous recommande comme apéritif, le "pisco sour". Le pisco tout court, eau de vie nationale, c’est de l’alcool de raisin blanc, sucré, et qui va chercher dans les quarante, quarante-cinq degrés. Le pisco sour, c’est un mélange de pisco et de jus de citron, et par-dessus on rajoute du blanc d’oeuf. Quand il est bien tassé, qu’on sent l’alcool et qu’il n’a pas le goût du sirop, c’est un régal. Qui monte assez vite à la tête d’ailleurs, surtout si on le prend à jeun !
Carnets de voyage de Philippe Kauffmann