17 août 2003
Arrivée sur le continent.
Nous quittons Mazatlán sur une route qui s’avère aussi belle que dangereuse. Jamais nous n’avons pédalé sur une voie aussi étroite, mais le trafic diminue à mesure que nous nous éloignons de la ville. C’est avec soulagement qu’après quelques heures de route nous quittons l’asphalte pour emprunter un sentier de terre nous menant à Agua Caliente, notre étape du jour.
Le charme de ce village vient nous faire oublier le stress des Klaxons. L’après-midi touche à sa fin et c’est dans une lumière chaude que nous profitons de la beauté et de la simplicité du lieu. Des enfants à moitié nus jouent accroupis sur le minuscule balcon d’une maison. Dans la rue, un vieillard immobile est assis sur une chaise, une canne à la main, occupé à regarder s’enfuir le temps. Les maisons exhibent leurs murs aux couleurs délavées dans des tonalités pastels… Nous nous engouffrons dans les ruelles pour rejoindre la place centrale sous les regards intrigués des habitants.
Depuis Punta Colonet, nous avons pris l’habitude de nous rendre aux mairies des villages où nous souhaitons passer la nuit, dans l’espoir de nous y voir offert le gîte. Monsieur le Maire est un homme d’un certain âge, coiffé d’un grand chapeau blanc de cow-boy. Il ne semblait pas très occupé derrière sa vieille machine à écrire. Il nous reçoit dans sa modeste mairie de façon cérémonieuse, comme s’il s’agissait d’une visite officielle.
Je commence à lui expliquer la raison de notre venue et lui demande un endroit pour passer la nuit. Après réflexion, il nous indique l’école du village. J’avoue lui avoir un peu soufflé l’idée étant donné que nous avions déjà repéré l’école en entrant dans le village et que nous y avions vu un terrain de football en assez bon état. Nous remercions le maire et prenons congés.
Sur le chemin de l’école, nous passons devant une plaza de toros devant accueillir des spectacles de rodéo les jours de fêtes. La curiosité nous pousse à y entrer et nous y trouvons un spectacle hors du commun. Des gradins vides surplombent un terrain occupé par… un cochon ? Un énorme cochon tout rose nous regarde, immobile. Amusé, je descends dans l’arène et imite le toréador. Le cochon semble se prêter volontiers au jeu et rempli à merveille son rôle de taureau. Dans cette corrida improvisée, le cochon commence par faire un grand tour autour de l’arène, laissant derrière lui un nuage de poussière, pour finalement charger énergiquement sur le toréador. N’étant pas très à l’aise avec les animaux, je préfère m’écarter prudemment au passage du taureau de fortune et me réfugie dans les gradins. L’expérience est renouvelée jusqu’à ce que nous soyons lassés, puis nous quittons le cochon, vainqueur incontestable de cette corrida.
Nous continuons notre route jusqu’à notre dortoir. Une fois toutes nos affaires déballées, nous jouons au football sur le terrain de l’école déserté. Sans surprise, le magique ballon rond a exercé son pouvoir attractif auprès des jeunes du village qui arrivent, timides, les uns après les autres. Jusqu’à présent, tous les mexicains avec lesquels nous avons discuté de football nous citent sans hésitation le nom de leur joueur favori : Zidane. Un des jeunes footballeurs nous apprend même que l’équipe du village s’est dénommée « Sissou » (comprenez « Zizou »), en hommage à leur idole.
A la tombée de la nuit, la fatigue nous gagne et nous dormons sous les étoiles, les salles de classe étant toutes fermées à clé. Nous nous disposons en triangle, laissant nos affaires au centre, afin de mieux les surveiller. Cependant, le ciel ne tarde pas à se fâcher et n’arrête pas de jeter des éclairs, égratignant le ciel et illuminant notre campement, jusqu’à ce que le vent, inévitablement, se mêle de la partie accompagné d’une lourde pluie. Sauve qui peut ! Chassés par la pluie, nous mettons en toute hâte nos bagages au sec sous un préau. Nous cherchons alors le sommeil dans l’humidité de nos duvets, partageant le peu d’espace dont nous disposons avec une colonie de fourmis envahissante.