De Marrakech la rouge à Bougmez la verte
Le taxi a quitté les larges plaines qui entourent Marrakech. C’est l’époque de la récolte des olives, et des monticules de fruits gris-noirs attendent au bord des chemins leur transport vers les pressoirs des villages.
Nous avons atterri avant hier au Maroc et nous attendons maintenant avec impatience de partir vers l’Atlas, massif improbable et pourtant proche, entrevu au loin des nuages de la ville.
Marrakech! Un nom de senteurs et de tissu précieux, à la fois « spot » touristique et vigie de briques usées par le temps. La place Jema El afna, rendez vous des montreurs de serpents et des regardeurs du monde, des routards éblouis et des commerçants qui empilent sur leurs roulottes dattes, figues et grains de soleil en d’étranges montagnes. Sensation d’intemporalité, de dérision du temps.
Le nuage des grillades flotte comme une soie légère au-dessus du parvis, les vélomoteurs ne s’arrêteront jamais. Il est temps de partir vers le Sud.
La route s’amuse maintenant à courir d’un vallon à l’autre. C’est la toute première fois que je pose le pied en Afrique, et j’ai comme une curieuse impression d’ouvrir un livre ancien, genre « Dictionnaire universel des pays et des peuples ».
Est-ce la couleur sépia des paysages ? Vallons de cailloux, lit de torrents défaits par les orages, chemins qui partent vers nulle part, fermes et villages posés par le temps des hommes.
Azilal. Sur le Guide Bleu du Maroc, édition 1950, il est précisé que le marché d’Azilal a lieu le jeudi. L’information est fiable.
Nous demandons à notre guide de nous y arrêter.
Sur la terre poussiéreuse du champ de foire, sont installés les étals extravagants des marchands de l’Atlas. Ici, le monde bouge, vit, se rencontre, négocie, s’invective, s’embrasse. Tous les biens s’échangent, remuent, arrivent, repartent. Nous déambulons dans les allées, nous les privilégiés de la consommation, les cœurs de cible de l’Occident tranquille. En ce lieu qui ne nous est pas destiné, qui sommes-nous? Quelle image représentons-nous pour ces commerçants et ces clients aux éternelles habitudes ? Contradictions du voyageur, regard lointain des femmes et sourire des enfants.
Se taire, voir sans trop regarder, puis repartir plus loin vers les Aït Bougmez et le gîte Touda.