A l’occasion de la 14ème édition du Grand Bivouac à Albertville, j’ai rencontré Caroline Riegel, ingénieur en constructions hydrauliques, grande voyageuse et réalisatrice suite à la projection de son film « Semeuses de joie » coproduit par l’Envol Productions et un Film à la patte avec la participation de France 5.
« Semeuses de joie » est mon coup de cœur de l’édition 2015 du Grand Bivouac. Ce fut aussi celui du festival. Avant de laisser la parole à la réalisatrice, le pitch… Il y a plus de 10 ans, Caroline Riegel rencontre onze nonnes bouddhistes vivant dans un village du Zanskar, perché à 3700 mètres d’altitude. Une amitié se tisse année après année entre ces femmes aux origines si différentes. La réalisatrice leur fait la promesse d’un voyage initiatique à travers l’Inde qu’elles ne connaissent pas, de la Grande Barrière Himalayenne aux îles Andamans. « Semeuses de joie » raconte les préparatifs, le voyage et le retour au Zanskar. Un film qui sonne juste sur le bouddhisme, l’altruisme et l’amitié, un film qui baigne invariablement dans un profond optimisme, un film tout simplement beau à voir.
Quelle est la genèse du film ?
J’ai rencontré les nonnes il y a 10 ou 11 ans pendant un voyage au long cours au fil de l’eau que j’ai réalisé en Asie du lac Baïkal au Bengale. C’est là que j’ai passé un premier hiver de 7 mois avec elles.
Comment expliquez-vous ce coup de cœur pour ces nonnes ?
C’est la magie de la rencontre. Elles, elles l’expliquent par une relation dans une autre vie mais moi je ne sais pas. C’est sans doute aussi la manière dont j’ai pu les rencontrer au cœur d’un voyage où moi je me suis rendue disponible dans l’instant présent, disponible à tout ce que je pouvais vivre et à tous ceux que je pouvais rencontrer. Sans doute aussi parce qu’elles avaient du temps à m’accorder pendant cet hiver himalayen.
Je pouvais sans doute montrer aux nonnes un peu de cette diversité du monde qui nous nourrit et qui permet de mieux le comprendre et de grandir avec les autres.
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Teaser des Semeuses de joie
Et pourquoi leur avoir proposé ce voyage à travers l’Inde ?
J’ai eu la chance de voyager pour mon travail ou pour moi en tant que femme libre et indépendante. Je me rends compte que ce n’est pas le cas de toutes les femmes dans le monde. En l’occurrence, elles n’ont pas forcément eu la chance de pouvoir voyager. J’ai eu la chance d’étudier, elles non. Je ne peux pas leur enseigner quelque chose sur le bouddhisme qui leur est cher et essentiel. Mais par contre, je pouvais sans doute leur montrer un peu de cette diversité du monde qui nous nourrit et qui permet de mieux le comprendre et de grandir avec les autres.
Quels sont les souvenirs les plus marquants du voyage ?
Chacune a été marquée par des choses différentes. Elles ont toutes au final aimées les Andamans, le Bhoutan, les lieux Bouddhistes qui ont une valeur tout à fait forte pour elles puisqu’ils améliorent leur karma. Voir tous ces endroits sacrés à leurs yeux, c’était quelque chose de très très fort. Mais après, je pense qu’elles ont tout simplement aimé découvrir, rencontrer, voir cette diversité et tous ces extrêmes et mieux rentrer chez elles parce qu’elles étaient toutes heureuses de rentrer après ce voyage de 4 mois.
Moi, j’ai forcément vécu le voyage différemment puisque j’ai tout porté sur les épaules. Je suis allé au bout des batteries et je savoure aujourd’hui de voir ce film qui reste une mémoire pour elles, de constater qu’elles ont véritablement adoré découvrir l’Inde sans être chamboulé dans leur vie, qu’elles sont aujourd’hui encore plus fortes et qu’elles ont grandi. Ce voyage a en plus marqué un tournant dans la vie de la nonnerie et a dynamisé l’implication villageoise.
On ne peut pas dire aux villageois on a fait ci, on a fait ça parce qu’il ne faudrait pas qu’on est l’air de crâner.
Le regard des villageois sur les nonnes a changé. Qu’est-ce qui a permis cela ? Le voyage ? Leurs attitudes au retour ?
C’est un mélange de tout. Par contre, je pense que les villageois ont été très fiers parce que leurs nonnes deviennent un peu célèbre et leur village aussi par la même occasion. Les nonnes en rentrant ont dit « on ne peut pas dire aux villageois « on a fait ci, on a fait ça » parce qu’il ne faudrait pas qu’on est l’air de crâner ». Au contraire, elles savent qu’elles on eu une chance inouïe de pouvoir voyager et elles sont conscientes qu’il faut qu’elles restent à leur place parce qu’elles savent que générer de la jalousie, ce n’est pas bien. Elles ont eu une conscience d’humilité très forte. Nous parlons souvent de ce sujet.
Justement, en combien de temps apprend-on le zanskari ?
Ça va dépendre de chacun.
Et dans votre cas ?
Je l’ai appris au cœur d’un voyage où j’étais constamment en train d’apprendre des langues. J’aime ça et j’y mets beaucoup de mon énergie et de mon temps. J’ai appris le zanskari dans un moment où je n’ai jamais été autant dans l’instant présent. Et quand on a cette disposition, on a l’esprit complètement dégagé. Quand j’ai appris l’ourdou au Pakistan, je bossais. Je parlais en anglais dans la journée et apprenais la langue le soir de 19h00 à 22h00. C’était très dur. Quand j’ai appris le zanskari, je n’ai jamais eu mon esprit aussi clair car j’étais disponible mais c’était peut-être aussi les globules rouges (rires). Plus sérieusement, j’avais aussi une ossature puisque j’avais aussi avec moi des livres de grammaire. J’ai aussi enseigné à l’école gouvernementale pendant 6 mois, ça m’a permis de travailler mon vocabulaire sur deux hivers. J’ai aussi appris les prières avec les nonnes, j’ai recopié des dictionnaires, j’ai fait des résumés. Au quotidien, je bossais la langue. Et puis avec le film, c’est aussi 120 heures de rush que j’ai traduit.
Je ne peux pas dire que je suis bouddhiste.
Et avant d’aller au Zanskar, vous étiez bouddhiste ?
Mais je ne suis pas bouddhiste. Je ne peux pas prétendre ça. Les valeurs me parlent plus que tout autre chose. Je me passionne pour l’histoire des religions mais ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas bouddhiste comme elles même si je connais les prières par cœur.
Les nonnes n’ont pas forcément le regard aussi noir que peuvent l’avoir les français sur ces temps moroses.
Nous sommes ici au Grand Bivouac. Les nonnes sont du voyage. Comment perçoivent-elles la France ?
Je pense qu’elles sont bienveillantes dans leur façon de voir la France. A Paris, on voit bien que les gens ont moins le temps et ne sont pas disponibles. A l’inverse, ici au Grand Bivouac, elles sont submergées de rencontres et de sollicitations. Mais avant tout, elles voient une France propre par rapport à l’Inde. C’est quelque chose de très marquant pour elles. Elles voient des routes qui ne sont pas défoncées. elles voient un système qui fonctionne et ce n’est pas rien. Elles comprennent aussi que les gens ont moins le temps, travaillent beaucoup et que la vie est chère. Nous en parlons beaucoup. Elles n’ont pas forcément le regard aussi noir que peuvent l’avoir les français sur ces temps moroses.
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Et comment avez-vous financé ce voyage ?
J’ai la chance d’avoir un boulot. Je suis ingénieur en construction hydrolique. J’ai mis de côté pour ce projet ainsi que pour la venue des nonnes en France.
Et cela représente quelle somme si ça n’est pas indiscret ?
Non pas du tout. Le voyage en Inde, c’était 30 000 euros dont 10 000 € de matériel parce que j’ai acheté la caméra. Et le voyage en France représente 10 000 €. Là, beaucoup de gens m’aident. Je suis logé chez des amis. Quelques festivals nous permettent d’avoir des frais remboursés.
Changeons de sujet. Ces nonnes bouddhistes sont-elles aussi reconnues que les lamas ?
Non. Vraiment pas. C’est quelque chose que je n’ai pas tout de suite compris. La femme a une position assez forte dans la société laïque tibétaine. Par contre, l’écart est beaucoup plus fort entre les lamas et les nonnes. Les monastères sont riches de terre alors que les nonneries n’ont vraiment rien. Aujourd’hui, à Tungri, les villageois ont compris que s’ils ne voulaient pas perdre leur nonnerie, il fallait qu’ils y mettent du leur et qu’ils s’impliquent. Les villageois sont impliqués dans la construction de l’école de la nonnerie. Si elles ont eu leur passeport, c’est bien parce que Gathou, l’ancien du village n’a pas lâché. Elles ont aujourd’hui pris de l’importance aux yeux des villageois. Elles le disent, elles le sentent. Elles sont très très heureuses de cette implication.
S’il n’y a pas d’école aujourd’hui, n’importe quelles nonneries ou monastères de ces régions reculées disparaitront.
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Webfilm sur la construction de l’école à la nonnerie du village de Tungri.
Ce film a donc permis la construction d’une école pour les jeunes femmes qui veulent devenir nonnes…
S’il n’y a pas d’école aujourd’hui, n’importe quelles nonneries ou monastères de ces régions reculées disparaitront. Il n’y a aucun doute là-dessus. Une école au sein d’une nonnerie ou d’un monastère, c’est très important.
Il est possible d’aider aussi…
J’ai monté une association qui s’appelle Thigspa qui veut dire goutte d’eau en tibétain. Elle a permis de construire une partie de l’école de la nonnerie qui reste à terminer.
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Pour participer à la construction de salles de classe pour la nonnerie de Tungri, envoyez un chèque (déductible d’impôts) à :
Thigspa, Caroline Riegel
28 rue de Coubertin, Luttenbach
68 140 Munster
http://baikal-bangkok.org/fr/lassociation/
Les dates de projection de Semeuses de joie lors des prochains festivals
- Lundi 26 octobre, à MONTPELLIER à la Librairie des Cinq Continents
- Vendredi 30 octobre, à 21h00 à la salle communale d’ASPET
- Samedi 31 octobre, à 20h30 au cinéma de BARDOS
- Dimanche 8 Novembre, 20h15 à la salle communale de LA RICHARDAIS
- Jeudi 12 novembre, 18h00, à la Cinémathèque d’Image de Montagne de GAP
- Samedi 14 novembre, 12h30, conférence à CLERMONT-FERRAND
- Dimanche 15 novembre, 16h00, au Rendez-vous du Carnet de Voyage de CLERMONT-FERRAND
- Mercredi 18 novembre, à la Turbine à CRAN GEVRIER
- Vendredi soir 20 novembre, au festival du film d’aventure de LA ROCHELLE
- Mardi 24 novembre, 20h30, cinéma de MUNSTER
- Mercredi 25 novembre, 20h00, à l’église de GUNSBACH
- Jeudi 26 Novembre, 20h30, au cinéma de MUNSTER
- Samedi 28 Novembre, au festival du Quai du Départ à LYON
En savoir plus :
- Le site du Grand Bivouac
- Le site Savoie Mont-Blanc pour préparer votre venue au prochain Grand Bivouac et plus généralement en Haute-Savoie et Savoie
je cherche une projection de semeuse de joie où Caroline Riegel présentera ou « débattera » du film.
Pouvez m’aider. Merci.
Il n’y a je pense plus de projections en France. Le plus simple est de contacter Caroline via son site internet http://baikal-bangkok.org/fr/lassociation/
j’ ai beaucoup aimé ce doc ( qui m’a un peu rappelé » le voyage à l’envers où des papous venaient en Angleterre ) car nous avons la chance de voyager dans ces pays alors que l’inverse est moins courant ! Ce choc culturel est très très interréssant de constater le plaisir qu’ils ont à partager de leurs grands yeux naifs d’enfants sur ce qui les entoure ! Dans Semeuse de joie ( qui est formidable Bravo à Caroline ) j’ai retenu une phrase ! Elles reconnaissent que chez elles elles sont vénérées et pleines de connaissances mais à travers ce voyage, elles ne connaissaient rien en fait ! cet état de fait était très humble tout comme leur condition et bien attaché à leur image ! Ensuite Bénares, où les gens pissent partout et la mort est visible et odorante !! Bref plein de bonheur à voir ce doc et surtout énormément de compassion !! Bravo encore !!
C’est vrai que c’est une belle leçon de vie
Le film « les semeuses de joie » sera projeté par ABM Montpellier le mardi 13 ou le mercredi 14 décembre à partir de 20h15 à l espace gare de Castries.
Bonjour Caroline Riegel,
j’ai été totalement sous le charme de votre film et une amie a pu me parler de ce village où elle vous a croisée récemment au Zanskar. Je serais ravie que vous acceptiez d’être notre invitée pour présenter votre film au festival RENDEZ VOUS DE L’AVENTURE” organisé par l’Association la Fabrique de l’Aventure dont les figures de proue sont Marion et Virgile CHARLOT, eux mêmes grands voyageurs et producteurs de livres ou de films relatant ceux ci. “RENDEZ VOUS DE L’AVENTURE” qui auront lieu du 16 au 19 mars 2017 à Lons Le Saunier dans le Jura. Aurez vous réalisé un livre d’ici là?
Voir infos festival sur site Rendez-vous Aventure : http://www.rdv-aventure.fr
En attendant de vos nouvelles , amitiés;